Un petit mot aux auteurs « concurrents ».
Très souvent, que ce soit sur Facebook ou sur des sites comme babelio, booknode, on peut trouver des drama croustillants où l’on peut observer dans son habitat naturel des auteurs s’écharper à coups de critiques négatives, d’insultes, de railleries et autre lancé olympique d’excréments à l’origine douteuse.
Si le lecteur peut s’amuser de ces querelles, je reste personnellement toujours un peu surpris du besoin de « saboter » un auteur soi-disant concurrent. Pour une raison simple:
Il n’y a pas de concurrence entre auteurs. Elle n’existe pas.
Mais je comprends qu’on puisse s’imaginer qu’elle existe. Après tout, on vend quelque chose qu’on a créé, comme un artisan. Et qui dit vendre, dit commerce, clientèle, fidélisation, et forcement, concurrence. Je veux dire, on a même des classements pour se placer les uns par rapport aux autres !
Tout cela serait vrai, si on vendait des tapis.
Qu’une chose soit claire : je n’ai rien contre les vendeurs de tapis. Mais une fois la carpette achetée, il est peu probable qu’on en achètera une seconde au prochain vendeur, même s’il se pointe avec son tapis 100 % pure laine de mouton bio dorlotée au Mozart pendant la tonte.
Est-ce que ce schéma de consommation est applicable au travail d’un auteur ?
À mes yeux, non.
Artiste et artisan, la frontière est à géométrie variable, mais elle existe. Dans le cas de l’écrivain, un livre lu ne signifie pas un lecteur converti à une religion. Ni un point final à sa consommation de livre tout court, surtout en numérique, encore plus entre « petits auteurs », quand les prix sont ridiculement bas comparé aux grosses pointures du milieu.
Notre lecteur va lire d’autres livres. Éventuellement du même auteur, du même genre, ou d’un autre genre pour s’aérer l’esprit du premier. Qui connaît un lecteur qui ne lit exclusivement qu’un seul auteur ?
Nous ne sommes pas concurrents. J’écris de la Science Fiction. Est-ce que Jacques Vandroux, Manon Samson et Myriam Caillonneau sont des concurrents que je devrais démonter pour m’offrir une place au soleil dans le top 100 d’Amazon ? J’écris aussi de la Fantasy, est-ce que Luce Kolhmann, Eric Costa et Morgan Rice sont des gens que je vais devoir abattre à vue pour détourner leurs lecteurs vers mes propres écrits ?
Ou est-ce que leurs succès gardent tout un genre à flot (moi y compris du coup) en attirant chaque jour de nouveaux lecteurs dans cette zone, paraît-il, méprisé de la SF et de la Fantasy ?
Est-ce que les succès d’Hunger Games, Harry Potter et 50 nuances ont coulés leur genre respectif en s’attirant à eux les lecteurs ? Ou est-ce que ces livres ont ouvert une période de faste où un certain type de roman voyait ses ventes décoller ?
Idem quand une de vos connaissances parvient à atteindre son Xéme commentaire positif et prend la tête d’un classement : même s’il est normal d’être un peu envieux (bordel on est humain !) Mais si vous écrivez dans la même branche, réjouissez-vous, c’est un brise-glace qui peut vous entraîner dans son sillage. Votre talent et votre pugnacité à continuer à écrire et à vous améliorer seront quelques un des facteurs qui vous permettront de servir à votre tour de brise-glace pour vos consœurs/confrères. Pas le nombre de vote négatif sur l’ouvrage du voisin.
Plus personnellement, je trouve qu’il n’y a pas de mauvais récit (même si oui, le premier réflexe pour une lecture que l’on n’aime pas c’est « houla c’est quoi ce truc ? ») : il y a des histoires qu’on aurait écrites différemment, c’est obligatoire, c’est une déformation naturelle qui vient avec le job quand on est auteur. Et si de multiples personnes ont aimé ce qu’on a détesté, ce n’est pas qu’ils sont stupides ou que nous sommes dans l’erreur, c’est simplement que nous sommes différents les uns des autres. Une évidence ? Sûrement. Mais une de celle qu’on oublie très volontiers de prendre en compte quand on se prend l’envie de juger le travail artistique d’autrui.
Bref, si vous êtes auteurs, vous devez réaliser qu’on est tous dans le même bateau. Et faire un trou sous les pieds du voisin, aussi apaisant que cela puisse paraître au premier abord, c’est une très mauvaise idée. Pour vous. Et pour nous.